En 1871, avant même que la colonie qui allait devenir Rogersville ne fut fondée, Père Richard en était encore à sa première année de ministère, et déjà il avait été entraîné dans le procès de l’affaire McGuirk. Il n’avait servi que quelques mois comme vicaire de Saint-Louis que l’évêque l’avait nommé curé de cette paroisse qui s’étendait alors de Richibucto à Barnaby River, et de Pointe-Sapin aux limites du chemin de fer Intercolonial en construction. Le contrat pour la section du chemin de fer qui s'étendait du pont de la Miramichi à ce qui est aujourd'hui Noinville, et qui comprenait le futur site de Rogersville avait été accordé en 1870 et devait être terminé pour 1872, mais ne le fut qu'en 1874. Monseigneur Rogers, soucieux d'apporter le soutien de la religion à ses diocésains où qu'ils puissent être avait écrit au Père Richard le 10 mai 1871 : "Les ouvriers affectés à la construction de la voie ferrée, étant susceptibles de se déplacer à mesure qu'avancent leurs travaux, il est normal que le missionnaire s'occupe de ceux qui se trouvent sur son territoire." Un petit noyau de colonie se formait au lieu qui fut d'abord nommé Forest Station. Desservir cette petite colonie à partir de Saint-Louis offrait aux missionnaires un défi de taille, surtout en hiver et à l'époque de la fonte des neiges, alors que les routes devenaient impraticables. C'est pourquoi le Père Richard y avait placé son vicaire, le Père A. A. Boucher, en 1880. Ce dernier devait également s'occuper d'Acadieville et de Saint-Ignace.
La fermeture du Collège de Saint-Louis à l’automne 1881 avait été un dûr coup pour le Père Richard, et fut à l’origine de relations très tendues avec son évêque. Sa nomination à la cure de Rogersville en septembre 1885, fut perçue par bien des membres du clergé ainsi que par un grand nombre de laïcs comme une disgrâce. Les détails de ces relations tumultueuses ont été racontées ailleurs.
À son arrivée à Rogersville, le village et ses environs étaient aux prises avec la famine qui avait résulté des mauvaises récoltes de 1884, et avec la pauvreté qui ne permettait pas aux colons d'acheter les semences pour 1885. Comme il est relaté ailleurs, Père Richard s'était endetté pour soutenir les colons, ce que lui reprochait son évêque, comme il lui reprochait de s'engager dans des entreprises qui n'étaient pas du domaine du clergé.
Quelques soient les reproches adressés au Père Richard au sujet des énergies déployées à pourvoir aux besoins matériels de ses paroissiens, personne ne pourra dire que ce fut au détriment de leurs besoins religieux. En offrant un accueil aux communautés religieuses chassées de France, il offrait à ses paroissiens le centuple de ce qu'il aurait pu accomplir seul.
La loi des écoles de 1871
En arrière-plan à toutes les démarches du père Richard pour l’obtention d’une communauté religieuse pour les écoles du village, il y avait la Loi des écoles de 1871. Jusqu’à cette date, le gouvernement avait offert des octrois aux diverses dénominations religieuses pour le maintien des écoles, autant pour les écoles catholiques que protestantes. Malgré le tollé qui avait suivi, la loi avait été maintenue. Les populations acadiennes avaient été frappées doublement par cette loi. En premier lieu tout enseignement religieux était formellement interdit dans les écoles, ainsi que tout costume religieux, insignes, crucifix, statues, activités religieuses. En second lieu, la loi visait à l’assimilation des Acadiens : les manuels scolaires étaient de langue anglaise. Tout manuel devait être approuvé par le Ministère de l’éducation, qui, systématiquement, n’approuvait que des manuels de langue anglaise. La seule option était le maintien d’écoles confessionnelles, mais à quel prix pour les Acadiens, qui, en plus de payer les taxes pour les écoles publiques dont ils ne bénéficiaient pas, devaient payer pour le maintien de leurs écoles paroissiales.
Qui donc à cette époque était en mesure de lutter pour rectifier ces injustices? Le clergé et l’élite acadienne qui péniblement émergeait.
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Sur les défis de desservir Rogers-ville et ses autres missions à partir de St-Louis, voir:
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Raconte-moi Rogersville...