Émile Arseneault

Émile Arseneault (1923 - 2008)

Émile Arseneault (23 janvier 1923 - 21 décembre 2008) était le fils d'Alphé et Marie-Rose Arseneault, de Marcelville. La vie à la campagne, durant la Grande dépression des années '30 était très rude. Les écoles de campagne à cette époque devaient parfois fermer leurs portes, car les nombreuses petites commissions scolaires de la province n'avaient pas toujours l'argent pour se payer une institutrice. Même lorsque les écoles étaient ouvertes, les élèves devaient souvent rester à la maison pour aider aux travaux de la ferme. L'éducation se voyait alors placée au second rang.

Alphé étant malade, Émile doit définitivement quitter l'école à l'âge de 13 ans, pour aller 'travailler au bois' et ainsi aider à subvenir aux besoins de la famille. Il travaille durant environ 3 ans aux environs de chez lui, puis en Nouvelle-Écosse, les salaires y étant un peu meilleurs.

Nous sommes redevables à Danika pour un premier travail de recherche sur la vie de son arrière-grand-père dans le cadre d'un projet scolaire de sciences humaines. En 2013, le projet fut repris et approfondi par sa mère, Chantal Lefebvre, petite-fille d'Émile. Vous pourrez télécharger le travail de Chantal : En mémoire d'Émile Arseneault, au lien ci-contre. En lisant ces lignes, vous constaterez qu'elles sont, et à juste titre, très fières de leur héro.

Pour la biographie d'Émile, consultez ce document; nous n'en reproduirons pas ici tous les détails. Toutefois, nous fournirons quantité de renseignements additionnels, tels le journal de campagne du West Nova Scotia Regiment (WNSR) et de son histoire décrivant le rôle que ce régiment a joué dans l'opération Husky,et dans la libération de la Sicile et de l'Italie.

Lorsqu'Émile décida de se faire soldat, il n'avait pas encore 18 ans : il était né le 28 octobre 1923. Comme bien d'autres en son cas, il a dû falsifier sa date de naissance pour se donner l'âge "légal" requis pour son enrôlement. C'est ainsi qu'il joignit le WSNR le 30 juin 1941 à Yarmouth, Nouvelle-Écosse, matricule F86902, et que tous ses documents militaires portent la date de naissance du 23 janvier 1923.

De juillet 1941 à février 1942, il fit son entraînement de base à Yarmouth et possiblement à Aldershot, N.-E., base du régiment, et centre d'entraînement de l'infanterie. Il fit la traversée, et subit un entraînement intensif d'environ un an à la base qui aussi porte le nom d'Aldershot, près de Londres. Au printemps '43, il était affecté à la garde côtière de la Manche.

Le 10 juillet '43, le WNSR débarquait en Sicile, sur les plages de Pachino, partie de l'opération majeure Husky qui devait ouvrir un deuxième front contre contre les armées de Hitler. Les forces américaines débarquèrent à l'ouest de l'ile; les forces britaniques et des autres pays du Commonwealth au sud-est de l'ile. La carte ci-dessous illustre l'avance du régiment, selon le journal du WNSR durant les 3 semaines qui ont suivi l'invasion, et jusqu'au moment où Émile fut blessé, le 2 août. Les liens vers le journal du régiment de Juin/Juillet '43 et Août/Sept '43 couvrent cette période.

Voici ce que rapporte le journal du WNSR le 2 août 1943 :

N. B. "Coy" est une abbréviation pour "Company"
August 2
At first light patrols went fwd to M CRISCANA and on returning reported no enemy seen.

830
D Coy pushed fwd to M CRISCANA and after advancing about 700 yds met heavy opposition from enemy carefully concealed in the lower ground before M CRISCANA, and having many automatic weapons. Shortly before noon A Coy moved fwd farther to the rt to assist D Coy, but on reaching high ground about 604923 was pinned down by enemy fire. Fighting continued throughout the day, B Coy directed arty fire, with good effect, upon enemy posns.

1900
Brig Penhale and CRA 78 Div decide at Hq West NSR that an attack on M CRISCANA will not take place tonight. Shortly after their departure at 2000 hrs, the enemy fired about ten shells into Bn Hq area, wrecking the 22 set and killing two men. Immediately after dark A and D Coys moved to the rear portion of the bn position to reorganize. C Coy moved fwd on B Coys right flank to cover this move and to guard against possible enemy attack. During the day the bn had lost about 17 killed, incl Lieut. C C Reeves, A coy.

Avance du West Nova Scotia Regiment du 10 juillet au 5 août 1943

Émile fut transporté dans un hôpital du nord de l'Afrique. Il y demeura environ six semaines, après quoi il décida de retourner au front. Lorsqu'après trois semaines de réhabilitation, il rejoignit son régiment, au début du mois d'octobre, la campagne de Sicile était terminée, et les Alliés avaient reconquis environ 250 milles en remontant vers le nord de l'Italie. Le WNSR était rendu dans la région de Lucera.Les combats étaient féroces. Les Allemands avaient érigé ligne de défense sur ligne de défense, profitant de la géographie du terrain : montagnes, rivières, ponts détruits lorsqu'ils devaient céder du terrain.

Il semble y avoir confusion sur la date où Émile fut fait prisonnier, et s'il le fut à Gambatesa ou à Castel di Sangro. Dans une lettre du 29 juin 1944, il dit avoir été capturé le 23 novembre '43; mais les découpures de journaux indiquent le 23 octobre. Une lecture du journal de campagnes du régiment semble favoriser la date du 23 novembre. Voici le journal du régiment du 23 octobre, où on ne signale aucun combat :

CAMPOBASSO 561313
October 23, 1943
0800
Brig Gibson,Comd 3 Cdn Inf Bde visits Lt col Bogert at HQ West NSR. The day was spent in deepening and improving defences. At 1115 hrs Lt col,Bogert emphasized principles in defense to coy comds, incl correct siting of weapon pits,field of fire,sentry routine, etc. Maj R S E Waterman outlined a forthcoming period of offr trg to be later organised on a bde level.

It is now known that Lt Ross Guy, who was wounded at POTENZA, has been awarded the Military Cross. Gen Montgomery issued a personal message to all ranks Eighth Army on the anniversary of EL ALAMEIN…

Par contre, l'entrée du journal du régiment signale que le 23 novembre, il y eut un raid fait sur Castel di Sangro, à partir de Santo Pietro, et que l'objectif est sur un monticule rocheux, consistant avec les photos fournies parJoanne et Simone, filles d'Émile. Voir le diaporama ci-dessous.

S. Pietro
Nov 23, 1943
0100
“B” Coy leave Coy area enroute to point 1009. Wireless communication with the OP thence by phone to BnHQ worked well until the Coy reached the road at 0330 hrs when the wireless suddenly ceased and nothing further was hgeaard until the Coy returned at 0930 hrs.

0430
Lt Scott commanded a patrol which protected an engineer recce party looking for suitable bridging places along the Sangro on West NSR front.

0930
No activity could be seen at point 1009 from the OP and at 0930 “B” Coy appeared immediately in front of the OP returning from that area. Here Capt Burns reported to the CO that point 1009 had been strongly held and that 11 platoon commanded byt Lt Blanchard had been permitted to penetrate the enemy position which was on the top of a steep rocky knoll. This platoon was than challenged and fired upon and although strong attempts were made to send 10 and 12 pls into the feature, machine guns and grenades prevented our troops from scaling the rocky slopes. It was by this time daylight and Capt Burns took advantage of a heavy fog to extricate the Coy from its rather precarious position. Only a small part of Lt Blanchard’s pl succeeded in escaping. He himself was wounded twice and ordered his men to leave him and return. “B” Coy was sent to BnHQ where the men would get cover in the factory tunnel to dry their clothing and rest after a very wet night. It should be noted that all rifle coys since arrival in the S. Pietro area have been living in the open and that rainy weather still prevails. Deep snow is visible on the high ground to the North and West.

Mouvements du WNSR durant les deux mois qui suivirent le retour d'Émile au combat

On notera que le journal du régiment contient des entrées sur Campobasso du 23 octobre au 17 novembre et du 20 novembre jusqu'au 30 novembre pour Santo Pietro, périodes où on ne rapporte que peu de combats. Il faut réaliser que les combats étaient si violents que les troupes devaient se donner du temps de réorganisation après la perte de nombreux soldats, et du temps de récupération après de longues journées de combat. De plus, il fallait assurer le ravitaillement en armements et en vivres avant d'aller plus loin. Le journal signale plusieurs raids organisés à partir de S. Pietro, et en particulier celui de Castel di Sangro du 23 novembre, lieu où, probablement, Émile fut fait prisonnier.

Pour ce qui est du temps qu'Émile passa comme prisonnier de guerre, son évasion et son retour au pays, se reporter au travail de Chantal : En mémoire d'Émile Arseneault.

À l'automne 2015, plus de 70 ans après les événements, Joanne et Simone firent un 'pèlerinage' sur les lieux de combats, y déposèrent des souvenirs et rapportèrent du sable des plages de Pachino. Voir le diaporama, ci-dessous.

Diaporama d'un pèlerinage fait aux lieux de combats en 2015,
par Joanne et Simone

Correspondance et autres documents

Quelques remarques générales au sujet de la correspondance :

Les lettres qui nous parviennent d'Émile ont toutes été rédigées par des amis prisonniers, Émile ne sachant pas écrire à cette époque. Un bon nombre de ces lettres sont en Anglais. Les lettres écrites en Français l'ont été par un ami de Montréal, Jacques Buteau, qui allait l'accompagner dans sa fuite.
Une lettre de sa mère en date du 3 novembre '43 avait été adressée à l'hôpital militaire. Comme Émile avait rejoint le combat, elle fut retournée à Rogersville. C'est la seule lettre envoyée à Émile que nous possédions. Elle est rédigée en Anglais, probablement par une employée de soutien aux familles des soldats. Elle est remplie de détails très intéressants sur le Marcelville de fin de 1943.
Il y a deux types de lettres : les simples cartes postales, et les lettres proprement dites. Il dit dans une lettre du 11 mars '44 : "... we get so many letters a month, and that's all." Il semble y avoir moins de restrictions sur le nombre de cartes postales.
Les lettres peuvent prendre un mois à franchir le bureau de censure, et un autre mois ou plus avant d'arriver à destination. Elles se croisent souvent, ce qui rend difficile les échanges de nouvelles et de photos, par exemple.
Émile demande des cigarettes avec insistance. Pour lui-même, évidemment, et pour rendre celles qu'il avait empruntées. Dans bien des cas elles servaient de monaie de change pour obtenir des faveurs des gardiens. Des colis étaient parfois interceptés et pillés : "... ils nous en donné le collis que j'ai recue il manquait des bas café, chocolat. J'espère que la prochaine fois je serai plus chanceux. " (Lettre du 20 août 1944).
Des échanges de prisonniers étaient parfois faits. Émile espérait ardemment passer le Noël 1944 avec les siens. Après avoir subi un examen médical, cet espoir fut déçu : "... et je n'ai pas pu aller au Canada. Je se suis pas assez mal blesser." (19 novembre '44) Les Allemands voulaient éviter à tout prix que des soldats libérés puissent retourner au combat.
Dans presque chaque lettre il redisait combien il avait hâte de les revoir tous et toutes, et combien le travail sur la ferme l'aidait à mieux supporter son exil.